Ma recherche actuelle se compose de trois grands axes.
-
La convection d'un point de vue physique:
Mon sujet principal de recherche porte sur l'étude théorique de systèmes convectifs simples, et a pour objectif de mieux comprendre l'évolution des corps planétaires. Il existe de nombreuses façons de réaliser cette étude. Afin de rester concis, je vais uniquement décrire les méthodes utilisées dans mes travaux.
Une approche courante pour caractériser un système convectif est d'utiliser des lois d'échelle. Une loi d'échelle est tout simplement une relation entre un observable du système et les nombre sans dimensions qui le contrôle. Par exemple, une relation entre le flux de chaleur (observable) et le nombre de Rayleigh (nombre sans dimension). Une quantité de travail conséquente a été accomplie pour établir des lois d'échelle sur des systèmes de plus en plus complexes. Dans la plupart des cas, l'obtention de lois d'échelle se fait en deux temps. D'abord, on réalise des simulations numériques en faisant varier de manière systématique les nombres sans dimensions, ensuite on ajuste les résultats numériques avec une loi en puissance. Cependant, le processus d'ajustement produit une incertitude assez forte sur les lois obtenues. Ainsi, les lois d'échelle doivent uniquement être utilisées pour des gammes de nombres sans dimensions proches de ceux utilisées pour établir les lois. En d'autres mots, les lois d'échelle sont très utiles pour interpoler les résultats des simulations numériques, mais il est hasardeux d'extrapoler ces résultats. Pour m'affranchir de ce problème, j'ai développé une méthode permettant d'établir des lois d'échelle purement théorique (sans paramètre libre). Cette méthode a déjà été appliquée à un système convectif avec du chauffage volumique, et avec du chauffage mixte (chauffage par le bas et volumique).
L'intérêt principal des lois d'échelle est de fournir une manière simple et rapide pour estimer la structure thermique d'un système. Cet outil est particulièrement utile pour les systèmes qui ne peuvent être étudiés avec des simulations numériques 3D, par exemple lorsque le système est trop complexe ou trop peu contraint. Ceci explique pourquoi les lois d'échelle sont très utilisées en géophysique et planétologie. À titre d'exemple, dans mes travaux j'ai utilisé des lois d'échelle pour contraindre les propriétés de Sputnik Planitia, un glacier d'azote situé sur la surface de Pluton, et pour estimer la présence de volcanisme à la surface d'exoplanètes. Les lois d'échelle peuvent aussi être utilisées dans des modèles de convection paramétrée (des modèles analytiques permettant d'estimer l'évolution thermique 1D d'un système).
Les modèles de convection paramétrée peuvent également être réalisés en se basant sur l'hypothèse de mélange. L'hypothèse de mélange consiste à résoudre l'équation de la conservation de l'énergie en négligeant l'advection horizontale de chaleur. De ceci résulte une estimation du profil moyen de la température, et par extension une estimation du flux de chaleur à la surface. Cette théorie est particulièrement adaptée à l'étude des systèmes turbulents, telle que la circulation atmosphérique ou la solidification d'un océan magmatique. Toutefois, plusieurs études récentes ont proposé une modification de l'hypothèse de mélange permettant d'étudier des systèmes laminaires. En me basant sur ces travaux, j'ai proposé une modification de l'hypothèse de mélange qui permet d'estimer une partie de la distribution de température. Plus précisément, cette méthode permet de contraindre, à chaque profondeur, la distribution de la température associée à 5% du matériel ayant la température la plus chaude. Ceci peut ensuite être introduit dans des modèles de convection paramétrée afin d'évaluer et prendre en compte la génération de fusion.
Collaborateurs
- Frédéric Deschamps (IES)
- Cinzia G. Farnetani (IPGP)
- Loïc Fourel (IPGP)
- Erika Di Giuseppe (IPGP)
- Claude Jaupart (IPGP)
- Shunichi Kamata (Hokkaido University)
- Edouard Kaminski (IPGP)
- Angela Limare (IPGP)
- Camelia Neamtu (INCDTIM)
- Vasile Surducan (INCDTIM)
- Emanoil Surducan (INCDTIM)
-
Convection thermique dans les satellites de glace:
Les missions spatiales menées durant les dernières décennies ont permis de collecter une quantité importante de données. L'analyse de ces données ont révélé toutes la diversité et complexité des satellites de glace tout en soulevant un certain nombre de questions. Une de ces questions est l'origine de l'abondante activité cryovolcanique observée sur certains satellites. En effet, ces magmas aqueux ont une flottabilité négative comparés à la glace, ainsi leur éruption ne peut être causée par la poussée hydrostatique. Le processus à l'origine du cryovolcanisme reste débattu. Par exemple, certains travaux ont proposé que la cristallisation fractionnée ou la pressurisation de réservoirs de liquide pouvait être la cause de ces éruptions. Cependant, ces hypothèses nécessitent la présence de réservoirs de liquide proche de la surface, ceci étant également difficile à produire.
Afin d'améliorer notre compréhension de ce problème, j'ai étudié la génération de fusion à l'intérieur de couches de glace à l'aide de simulations numériques 3D incluant le chauffage par la force de marée, et conduit pour une large gamme de paramètres (nombre de Rayleigh, taux de chauffage par la force de marée, et saut de viscosité). Les résultats ont montré que la génération de fusion était possible pour une large gamme de paramètres. Par contre, pour Europe, des réservoirs de liquide isolés ne peuvent être produits que pour des épaisseurs de la couche de glace intermédiaires (entre 15 km et 35 km).
L'objectif de cette étude était également de déterminer l'effet de la fusion sur la structure thermique de la couche de glace. En effet, à cause de l'étendue horizontale importante des couches de glace, il est presque impossible de réaliser des simulations 3D. L'évolution sur le long-terme des couches de glace peut donc être étudiée uniquement avec des modèles de convection paramétrée. Toutefois, ces modèles ne sont pas encore disponibles (ou reposent sur des simplifications trop importantes). Mon objectif est d'utiliser ces résultats afin de construire de nouveaux modèles de convection paramétrée permettant d'estimer de manière précise l'évolution long-terme des satellites de glace.
Collaborateurs
- Frédéric Deschamps (IES)
- Gaël Choblet (LPG)
- Shunichi Kamata (Hokkaido University)
-
Conséquences de la transition de l'état de spin sur la dynamique du manteau:
Depuis l'observation par James Badro et al. (2003) d'une transition de l'état du spin du fer présent dans le ferropericlase, un nombre croissant d'études a été réalisé afin de déterminer les implications potentielles. En particulier, il y avait une incohérence entre, d'une part, les études de pétrologie expérimentale et de dynamique montrant des effets importants de ces transitions électroniques, et, d'autre part, l'absence d'observations sismologiques confirmant ces effets. Afin d'élucider cette incohérence, j'ai considéré une composition pyrolitique classique et calculé les variations de la densité associées à la transition de l'état de spin du Fe2+ présent dans le ferropericlase. Les densités obtenues sont en accord avec le profil de densité provenant de PREM et des expériences à haute pression haute température, ceci validant le modèle minéralogique utilisé. Ces tables de densité ont ensuite été incorporées dans des simulations numériques. Les résultats de ces simulations indiquent un effet mineur sur la dynamique ce qui résout le désaccord entre les résultats de pétrologie expérimentale et les observations sismologiques.
Cependant, la transition de l'état de spin peut affecter la stabilité des LLSVPs. Yang Li a donc inclut mes modèles de compositions et a effectué une série de simulations numériques en géométrie sphérique afin d'établir la stabilité de ces réservoirs primordiaux. Nous avons observé un effet négligeable de la transition de l'état de spin sur la stabilité des LLSVPs (réduction marginale de leur stabilité). L'augmentation intrinsèque de la densité des LLSVPs, dues à une différence de composition, est le paramètre principal contrôlant leur stabilité.
Actuellement, j'étudie les compositions pour le matériel primitif permettant de reproduire les observations sismiques des LLSVPs. Mon modèle inclut, par exemple, l'effet de l'aluminium et possède six paramètres (proportion de la bridgmanite et Ca-silicate perovskite, teneur en fer et aluminium, température, et état d'oxydation) que l'on varie systématiquement dans une gamme étendue de valeurs. Les résultats préliminaires montrent qu'une large gamme de compositions peut potentiellement expliquer la signature sismique des LLSVPs. En particulier, ces compositions ont des teneurs en fer comprises entre 14% et 25%, et des teneurs en aluminium comprises entre 2% et 17%.
Collaborateurs
- James Badro (IPGP)
- Frédéric Deschamps (IES)
- Cinzia G. Farnetani (IPGP)
- Yang Li (CAS)
- Sang-Heon Shim (ASU)